L’équipe du Dr Lauri Nummenmaa, de la faculté des sciences d’Aalto, s’est appuyée sur les témoignages de 701 volontaires à qui étaient présentées des images ou vidéos éveillant une émotion spécifique. Les participants devaient représenter sur une silhouette humaine les parties de leur corps qui se trouvaient suractivées, ou, au contraire, dont l’activité diminuait. «Nous avons été surpris de constater qu’à chaque émotion correspondait une combinaison précise de sensations, et que celle-ci était reproduite spontanément par la majorité des participants, qu’ils viennent de Finlande, de Suède ou de Taïwan», explique le Pr Nummenmaa.
Une interface entre le corps et le cerveau
À la plupart des émotions dites «primaires», comme la colère, la peur ou la surprise, était ainsi associée une augmentation de l’activité au niveau de la poitrine, «caractérisant vraisemblablement une accélération des rythmes respiratoires ou cardiaques», notent les auteurs. À l’inverse, la tristesse se distingue par un affaiblissement de l’activité des membres supérieurs. Les sensations gastro-intestinales et de la gorge sont propres au dégoût. À noter: le bonheur est la seule émotion à se traduire par une élévation de l’activité de l’ensemble du corps. «En regardant la silhouette cartographiée, on pense effectivement à l’expression «rayonner de bonheur»», s’amuse Jean-Louis Millot, professeur en neurosciences à l’université de Franche-Comté. Pour le spécialiste, cette topographie inédite pourrait faire avancer la recherche dans la compréhension des mécanismes émotionnels encore mal connus. «La méthode pourrait par exemple être appliquée à des anorexiques, dont on sait qu’ils souffrent d’une perception perturbée d’eux-mêmes.» «Quelle que soit l’émotion que l’on ressent, elle n’est pas anodine pour le corps », ajoute Henrique Sequeira, professeur en neurosciences affectives à l’université de Lille (I et II). «Les émotions sont une véritable interface entre le cerveau et le corps. » Elles induisent des réactions musculaires, hormonales, neurologiques et immunitaires. «C’est d’ailleurs ces liens qu’explore la médecine psychosomatique, selon laquelle «des émotions répétées peuvent avoir, chez certains individus prédisposés, un impact positif (guérison plus rapide d’un cancer) ou négatif (vulnérabilité cardio-vasculaire, asthme) sur la santé, en frappant de façon répétée et inutile sur le même organe», explique-t-il. Il reste désormais à définir pour chaque «carte émotionnelle» des indicateurs physiologiques précis qui pourraient être mesurés de façon objective et permettraient de repérer d’éventuels dysfonctionnements émotionnels.
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